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A la Une | Contes et historiettes d'Alan | Mathieu le rémouleur

Mathieu le rémouleur

Un conte de Noël de votre serviteur. En français mais aussi en provençal... Comment le rémouleur est devenu un santon...

• 10 décembre 2002 - Par Alan Salvat

Mathieu le rémouleur
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Conte de Noël
Chaque année en Provence, on fait la crèche. Mais combien d’entre-vous connaissent-ils la symbolique des santons ? Combien savent-ils que le boumian et le rémouleur sont le symbole du mal ?
Peut-être que le rémouleur, personnage nomade, étranger allant de village en village en poussant sa meule, la peau tannée par le soleil le vent et la pluie, aiguisant sans cesse des couteaux dans un déluge d’étincelles de feu, ne devait pas paraître très « catholique » pour les communautés simples des villages…
Mathieu le rémouleur, avait le cœur gros ce jour là. Tout le monde se réjouissait dans ce village où il venait d’arriver. Il devait se passer un grand événement, on ne savait pas lequel, la vie réservant parfois de ces surprises, mais on allait en profiter pour bien manger…ça, c’était sûr. Le village était plein de monde, l’auberge pleine à craquer. L’aubergiste avait même refusé du monde, et, s’il avait prêté son étable à ce couple arrivé avec son âne, c’était par pitié pour la jeune femme, presque une enfant, qui attendait un bébé, pour dans pas longtemps.
L’aubergiste avait recommandé à Mathieu de lui aiguiser tous ses couteaux pour le banquet du soir ; installé dans la cours, il actionnait avec son pied la pédale de sa meule et zzz, zzz, zzz, zzz, il affûtait, il repassait, il aiguisait. La nuit tombait vite en ce soir du 24 décembre et Mathieu demanda aux curieux qui le regardaient travailler : « Comment se fait-il que le ciel soit si noir, il n’y a donc pas d’étoiles ?… »
Alors, Abel, le plus ancien, le plus sage et le plus savant des villageois lui appris qu’on était au pays sans étoile…qu’il y avait bien longtemps de cela, le seigneur du village avait commis un si gros péché avec le diable, qu’en guise de punition les ténèbres enveloppaient encore le village chaque nuit…Que cette grosse étoile très brillante qui éclairait si fort la place n’était là que depuis le début du mois, et que les gens des alentours riches et pauvres, bergers et braves gens du pays ou d’ailleurs venaient au village en curieux. Ce n’est que depuis qu’on se préparait à la fête… C’était certainement un signe !
Mathieu poussait de gros soupirs, pourtant au fond de lui-même, il avait de l’espoir et se sentait tout ému ; allez donc savoir pourquoi ?…
Il se mit à aiguiser avec tant d’ardeur et de bonheur, se sentant investi d’une mission presque divine, qu’il produisait des milliers et des milliers d'étincelles qui illuminaient la nuit…A ce moment un cri d’enfant déchira la nuit. Dans l’étable, la jeune mère avait mis son petit au monde. Mathieu dit tout bas dans son cœur « que ces étincelles si brillantes t’accueillent dans ce monde, petit. Je ne possède rien d’autre au monde, elles sont si belles prend donc ce bouquet de lumières, qu’elles t’accompagnent sur cette terre… » Une voix tonitruante empli le ciel : l’ange Boufaréu (du verbe provençal "boufa = souffler, cet ange soufflait le grand vent "Mistral"(le maître) qui souffle en Provence) annonça : « Tu n’es pas un mauvais homme Mathieu, le Divin enfant accepte ton cadeau… » et d’un souffle puissant de l’ange, les étincelles par milliers se sont envolées et pour la première fois le ciel fut illuminé de myriades d’étoiles qui mirent le ciel en fête pour la première fois.
Mathieu, timidement, humblement, s’approcha de la litière de paille, parmi les bergers, les petites gens qui venaient découvrir le nouveau-né, une douce impression le submergea, il entendit au plus profond de lui une voix douce et pleine de bonté : « Mathieu, tu as toujours été travailleur et méritant, et pourtant tu as supporté les humiliations et les intolérances de tes semblables…Ton cadeau est le plus beau que l’on puisse offrir à un enfant dans la misère. A partir d’aujourd’hui et pour l’éternité, chaque nuit sera illuminée de tes étincelles et tu sera présent chaque année pour fêter l’avènement de l'enfant divin ! »
Le rémouleur, comme des dizaines de gens ce soir-là, s’est senti si petit dans l’univers qu’il s’est immobilisé à tout jamais. Depuis ce temps là on appelle ces petits personnages qui entouraient l’étable, des "santouns" – des petits saints – parce qu’ils avaient été les témoins du plus bel instant de l’histoire de l’humanité.
Depuis en Provence, en souvenir de cette époque, on fait la crèche dans tous les foyers. Chaque personnage est placé avec amour auprès du Divin Pitchoun (divin petit). Le rémouleur est toujours en bonne place. Et même s’il est le symbole du mal à cause de l’ignorance des hommes, vous serez, vous dans le secret…
Certains vous dirons que c’est une légende ; d’autres que ce n’est que pure invention…Ne les croyez pas ! Moi, je vous le dis, en Provence, le merveilleux nous entoure tous les jours. Alors rendons grâce au Créateur de vivre dans ce pays de rêve, dans ce paradis !
                                                                                                                                      Alan


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