Retour à la Une
A la UneArticles ProvençauxMusiques et VidéosQuelques Liens

A la Une | Almanach des TRADITIONS | Décembre

Décembre

Voici la période de l'Avent qui commence et avec elle celle du cycle de Calendo qui débute le 4 décembre et précède les fêtes de Nouvè (Noël). Cycle qui se terminera le 2 février...Nouvè qui est la plus grande fête annuelle provençale.

• 04 décembre 2011 - Par Alan Salvat

Les prénoms provençaux du mois
• • •

1 Florence - Flourènço
5 Gérald - Geraut
6 Nicolas - Micoulau
11 Daniel - Danié (fem. Danielo)
13 Luce - Lucio
15 Ninon - Ninoun
19 Urbain - Urban (fem. Urbano)
20 Théophile - Teoufilo
23 Amand - Chamas
25 Noël - Nouvé
26 Etienne - Estienne
27 Jean - Jan
29 David - Dàvi
30 Roger - Rougié
31 Sylvestre - Sauvèstre

LE DICTON
• • •

Voici la formule traditionnelle que le plus âgé des participants au "gros souper" de la veillée de Noël, récite en arrosant de vin cuit la bûche traditionnelle que l'on met au feu :
Alegre! alegre!
Mi bèus enfant, Diéu nous alegre!
Emé Calendo tout bèn vèn...
Diéu nous fague la graci de véire l'an que vèn,
E se noun sias pas mai, que noun fuguen pas mens!

Allégresse! allégresse!
Mes beaux enfants, Dieu nous réjouisse!
Avec Noël, tout bien vient...
Dieu nous fasse la grâce de voir l'an qui vient,
Et si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins!

Les traditions de Calendo
• • •

En Provence, La période de Noël, est la principale fête traditionnelle de l'année ; elle commence le 4 décembre, le jour de la Sainte Barbe, on sème du blé, des lentilles, sur du coton, dans 3 assiettes (les 3 sietoun) et l'on maintient une humidité constante afin que les grains germent et poussent.
Lei countie : les 12 jours qui précèdent Noël sont censés présager des 12 mois de l'année qui va suivre ( s'il fait beau le 1er jour , il fera beau en janvier, s'il fait froid le 2e jour, ce sera pareil en février..) Essayez, vous verrez...souvent c'est vrai...C'est la veillée de Noël que l'on fait la crèche avec les santons représentants les personnages traditionnels de la Provence. Chaque santon a un nom, une signification.( voir conte Mathieu le rémouleur - Matièu l'amoulaire dans ma rubrique "contes et historiettes" de la home page )puis venait la préparation du gros souper. Nombreux sont les symboles que l'on retrouve durant cette fête : La bûche, le feu, le pain, le vin, les 13 desserts, les 3 nappes, 3 bougies, 3 sietoun de blé, 7 plats maigres...Autrefois la période de l'Avent était période d'abstinence et de jeune, aussi avec la fin de cette période, Noël était l'occasion de grands repas, on festoyait durant 3 jours. Il était de bon ton de monter au voisinage et aux ouvriers agricoles du Mas, que l'on ne manquait de rien.
Les 3 soucoupes de blé et lentilles alors bien hautes et vertes, seront disposées sur la table du gros souper, sur les 3 nappes blanches auprés des 3 bougies (le chiffre 3 est sacré : la Sainte Trinité) avec la plus belle vaisselle. Un couvert supplémentaire est souvent mis pour le pauvre de passage...Le menu du gros souper est différent suivant les régions de Provence, et suivant la situation des familles, mais on y retrouve des points communs. Les soupes : au choux dans le Gard , aux lentilles à Castellane, à l'oignon à Théoule, aux crouzets (sorte de pâtes) en pays gavot (montagnes).Les entrées : Lei crouisse (cousins des crouzets) farcis de noix de courge et de gruyère, dans le Var.. Li cacalaus, escargots petit-gris, quelle que soit la préparation il faut les sortir de la coquille (descacalausa) avec un long clou neuf en souvenir des clous de la crucifixion. L'omelette, aux artichauts, à Toulon ; aux épinards, aux Arcs. Les poissons : le premier est la morue, en raïto comme le décrivait Mistral (capilotade frite en sauce au vin et aux câpres), aux poireaux comme à Salon ou aux Arcs. A Marseille on préparait aussi l'anguille..; Le mulet aux olives.. Les légumes : la carde en sauce blanche ; l'épinard nature, hâché, au four, à l'huile d'olive.. Le choux-fleur en salade ou à la crème....Divers tians de légumes, le tian c'est à la fois le plat en terre qui sert à la cuisson et le nom du met (tian de choux-fleur gratiné...)La salade : on sert une salade de saison qui peut être additionnée de céleri. Les fromages : ils sont nombreux en Provence et c'est une bonne saison. Les desserts : ils sont traditionnellement 13, (tradition récente : depuis 1920, ils représentent Jésus et les 12 Apôtres) mais bien sûr différents suivant l'endroit (spécialités locales) En fait il était de bon ton de montrer à son personnel et à sa famille que l'on ne manquait de rien et que l'hiver pouvait arriver...on tiendrait jusqu’à la saison de production. Avec l'exode rural, on n'avait plus chez soi comme à la ferme, de quoi présenter le maximum de desserts, d'où la nécessité de les acheter... On les fixa donc arbitrairement à 13 , en ville cela était réalisable.
Les classiques : la fougassette à Grasse (pompe à l' huile ailleurs) avec 7 tous, représentant les 7 orifices de la face du Christ, elle ne se coupe pas, mais se romp à la main sous peine d'être ruiné dans l'année...le nougat blanc ; le nougat noir ; les dattes ; les pruneaux ... les mendiants : fruits séchés représentants les 4 ordres religieux mendiants en fonction de la couleur de leur bure : figues sèches pour les Franciscains ; raisins secs pour la robe foncée des Augustins ; Les amandes pour la bure des Dominicains ; les noisettes pour la robe brune des Carmes. Les fruits frais de saison, on peut choisir parmi les pommes, les poires, les oranges, les mandarines, le melon vert...Les fruits confits d'Apt, les calissons d'Aix, les pâtes de coing...les dragées, aux amandes ou au chocolat, les boules de chocolat, papillotes...Les fritures : oreillettes, beignets, gauffres.. Quant a la bûche de Noël pâtissière, inventée par un pâtissier parisien à la fin du siècle dernier, elle n'est pas traditionnelle, bien que largement adoptée par les gourmands. Il en est de même pour les spécialités glacées.
La boisson de tradition pour accompagner les desserts est le vin cuit, on peut consommer aussi, avec modération, une eau de vie dans laquelle ont macerés des raisins secs "le sauvo-crestian" (sauve-chrétien) ou le coudounat (eau de vie de coing)
La table de fêtes est alors dressée avec ses 3 nappes blanches, ses 3 bougies et 3 sietoun de blé et lentilles...et la plus belle vaisselle, un couvert supplémentaire pour l'éventuel pauvre de passage. Le jour de Noël voyait encore un grand repas se dérouler avec la volaille traditionnelle et le soir on faisait encore bombance. Le 26 décembre était le 3e jour de grand festin, si le 24 on soupait "maigre" on se rattrapait le 25 et le 26 avec des volailles de toutes sortes.
Il était de bon ton de montrer "qu'on avait de quoi..." et "qu'on ne manquait de rien..."
Le "museon arlaten" crée par Frédéric Mistral, en Arles (13) montre dans une de ses salles la table de fête avec les mets et desserts de Noël, avec la famille en costumes traditionnels (trouvez le temps d'y aller faire un tour, cela en vaut la peine...) toutefois Mistral n'a jamais parlé de 13 desserts, puisqu'il était décédé, vers 1920 lorsque le nombre en a été fixé.

La creche
• • •

Noël en Provence sans crèche, ne serait pas Noël ! Chaque famille compose avec amour sa crèche, je me souviens étant enfant que mon père allait 2 ou 3 jour avant Noël à la foire aux santons la plus proche ou dans un magasin spécialisé pour remplacer les personnages trop abîmés ou pour compléter avec amour ce petit monde.. Quel plaisir j'ai aujourd'hui de renouveler ces gestes pour moi seul, mon fils de 30 ans ne voyant pas l'intérêt de ces traditions (pas encore ?...) J'espère qu'un jour les jeunes à leur tour transmettrons cette jolie coutume. La crèche représente un village Provençal avec ses personnages typiques, pendant la période de la nativité, on dit d'ailleurs par chez nous que Jésus est né en Provence, les provençaux ne savent plus très bien si c'est une légende ou une réalité. Ces personnages sont fait d'argile et peints à la gouache, parfois, ils sont habillés de vrais vêtements...Santon vient de "santoun" qui veut dire "petit saint". Ces personnages ont quelques centimètres de hauteur. Outre la Sainte famille Joseph, Marie, l'enfantoun Jésus, l'âne, le bœuf, l'ange, on retrouve le petit peuple, les pastres (bergers) et les moutons, les métiers anciens sont représentés : le rémouleur, le meunier, la poissonnière, la fileuse, la femme aux fagots, le pêcheur....et les rois mages.


La première crèche VIVANTE a existé à l'initiative de Saint-François-d'Assise à Greccio dans les Abruzzes en Italie en 1223. puis peu à peu la mode s'étend. Au concile de Trente entre 1543 et 1563 on autorise les représentations du menu peuple dans les crèches pour favoriser la foi du petit peuple en réponse au protestantisme et sa "Réforme" austère... Vers le 17e siècle les Napolitains créent les "santibelli" premiers personnages de la crèche (Sainte famille et bergers) en dur. Peu à peu les crèches émigrent et prennent la forme et la couleur locale des régions qui les adoptent. La Révolution française ayant supprimé tout symbole religieux dans les lieux publics, les crèches  des églises sont détruites et les gens du peuple développèrent chez eux ces crèches mignatures témoignage de leur foi. Elles étaient faites en mie de pain, en papier mâché ou en argile, peintes avec amour. Ils appelèrent leurs personnages des Santouns (petits saints) Depuis, les familles provençales rivalisent d'originalité pour réaliser la plus belle crèche. Ils vont amoureusement choisir leurs santons sur les foires aux santons et marchés spécialisés de plus en plus nombreux.
Les foires aux santons sont nombreuses de nos jours, on en trouve dans tous les départements de Provence, mais la plus importante, celle de Marseille existe depuis 1803. Elle se déroule pendant tout le mois de décembre. Bravo pour cette longévité : 200 ans.

Anen pausa cacho-fio
• • •

allons poser la bûche au feu.
(allons poser la bûche dans le foyer)
Cette cérémonie est une tradition très ancienne qui s'est simplifié dans le temps, cette bûche doit être en bois d'arbre fruitier, mais pas en figuier (arbre auquel Juda s'est pendu) Le plus âgé de la compagnie et le plus jeune font 3 fois le tour de la table, l'ancien verse un peu de vin cuit sur la bûche. Il récite la formule citée en haut de cette page ("Alegre.....") puis la bûche est mise dans la cheminée et le feu est allumé : on peut alors se mettre à table. Au premier coup de cloche de la messe de minuit, on éteignait la bûche, la recouvrait de cendres, on rallumait le feu le jour de Noël et la bûche devait se consumer lentement jusqu'au jour de l'An. Les cendres servaient dans la préparation de remèdes pour les animaux, un morceau était gardé pour mettre dans l'âtre l'année suivante...Les animaux "faisaient Noël", ce jour là, ils avaient double ration et l'on a vu des chevaux prendre du pain calendal mouillé de vin cuit...ça les rendait gai.

Veillée de Noël et Messe de minuit
• • •

Après le gros souper on faisait une veillée, avec des contes, (voir Mathieu le rémouleur) des jeux et on parlait des anciens, on parlait de leurs actes les plus beaux, les plus exemplaires.....Puis on se préparait pour aller a la messe de minuit, les enfants mettaient les souliers devant la cheminée non pas pour attendre le père Noël qui est d'invention récente, successeur de Saint-Nicolas, il nous vient des anglo-saxons mais pour trouver au matin une orange, une mandarine, des papillotes, quelques piécettes...le tout joliment arrangé. On se rendait ensuite joyeusement dans le froid, à l'église, en famille. Les vrais cadeaux, dans les familles aisées étaient apportés par les rois mages.

La messe de minuit, récitée et chantée en Provençal a vu en 1847 le cantique "Minuit chrétien..." chanté pour la première fois en Provence, il est aujourd'hui connu mondialement. Il avait été composé par un poète provençal athée, et "rouge" qui plus est...et mis en musique par un Israëlite... Lorsque l'Eglise appris les origine du cantique, elle l'interdit, mais le peuple avec sa foi trés vive est passé outre et le cantique a eu le succès qu'on lui connaît.  On ne compte plus les groupes folkloriques qui perpétuent les traditions de Noël, chants et coutumes, telles les offrandes durant la messe, produits du terroir généralement apportés à l'autel, parfois un agnelet...Dans certains cas c'est une véritable crèche vivante qui représente dans toute sa naïveté la naissance du pichoun et la foi des Provençaux.
Puis l'on rentrait à la maison où l'on consommait encore quelques douceurs (les fameux 13 desserts) puis on se réunissait pour prier et chanter. Les enfants allaient se coucher. Au matin il trouvaient dans leur soulier quelques babioles et friandises.
Mon père Vincent se souvient de certains Noël en 1922 et 1923, il avait alors 6 ans-7ans à Marseille où il était émerveillé de trouver une orange ou une mandarine enveloppée de papier de chocolat argenté, quelques papillottes avec pétard ou quelques "crottes en chocolat" (boules de crème) et une balle ou une petite trompette en tôle peinte et vernie : de vrais trésors dans l'ambiance de la fête...
On aimait les enfants mais il n'était pas d'usage de gâter et pourrir les rejetons. On marquait le coup et c'était bien ainsi!

La recette
• • •

L' aïgo de coudoun (eau de coing) ou coudounat
(à faire avant le 15 novembre , pour consommation à Noël )
Prendre 6 coings assez gros, bien mûrs, les laver et les éplucher puis les râper (gros trous de la râpe) la pulpe extraite doit rester 3-4 jours dans un récipient. Extraire le jus en comprimant le tout dans un tamis très fin.
Le jus extrait doit être ajouté à de l'eau de vie a 40° (une mesure d'eau de vie pour deux mesures de jus de coing) Remplir un récipient et bien le boucher, retourner une fois par jour durant 30 jours. Ajouter 500 grammes de sucre en poudre par litre de mélange. Après la fonte totale du sucre filtrer le tout. Mettre dans des bouteilles bien bouchées et conserver coucher au moins 2 semaines avant de consommer.


la fougassette grassoise

La foire aux santons de Marseille
Photo A. Salvat

© 2002 - En Provence au Pays de Grasse.